vendredi 26 février 2010

SHEARWATER The Golden Archipelago


En ces temps de dématérialisation avancée, où les disques ne se résument souvent plus qu'à une suite de fichiers, demeure parfois un choc esthétique et visuel. La pochette du sixième album de Shearwater, groupe adulé des critiques indés, en fait partie. Elle pourrait d'ailleurs être mise en perspective avec celle du dernier Midlake, les deux groupes texans ayant notamment pour eux en commun un curieux attrait envers les tuniques à capuches, et surtout une mystérieuse quête guidée par la lumière. Les auteurs du récent «The Courage of Others» semblant plutôt pour leur part tenter de s'extirper d'une lugubre forêt.

«The Golden Archipelago» est une véritable ode au voyage, un appel du grand large. Optant en général pour des visuels assez chiadés, mettant régulièrement en scène la nature, ce dernier traduit bien le ressenti qui se dégage de son écoute, dénotant une ouverture vers l'extérieur, avec cette lumière quasi aveuglante se reflétant sur l'océan, se distinguant de la sensation plus introspective du précédent «Rook».

Le principal artisan de ce changement de cap n'est autre que le capitaine de ce vaisseau héroïque, Jonathan Meiburg, dont la voix épouse plus que jamais une insolente gamme d'émotions. L'ancien compère de Will Sheff au sein d'Okkervil River, asumant désormais pleinement son leadership, la pose ici sur de luxuriantes compositions, d'une richesse d'orchestration comparable au travail d'orfèvre de Grizzly Bear sur «Veckatimest» (voir le splendide «Landscapes at speed»).
Tantôt caressante et en apesanteur sur «Hidden lakes» ou sur le superbe mais trop court «Runners of the sun» avec ses cordes discrètes, elle se fait épique et sonnant la charge sur l'immense «Black eyes» (sommet de l'album) ou sur «Corridors», pour tout simplement s'envoler et rejoindre une colonie d'oiseaux marins (chers à l'ornithologue Meiburg).

D'aucuns leur reprocheront une tendance à la grandiloquence (notable sur «Uniforms»), mais cette emphase assumée sied à merveille à leur univers, subtil mariage de mélodies raffinées et de puissance orchestrale. Cette traversée vers l'archipel d'or se révèle au final un pur moment de grâce.
Cédric B

8,5/10




Paru le 23/02/10
(Matador/Naïve)

http://shearwatermusic.com/
http://www.myspace.com/shearwater

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mercredi 24 février 2010

COMSAT ANGELS Waiting for the miracle (1980)


«There’s no future in England’s dreaming»… rétrospectivement, le hurlement de ce pourri peroxydé de John Lydon qui pissait sur Pink Floyd et la reine mère s’est révélé être un amuse bouche au vu du climat oppressant et macabre de l’Angleterre post punk. Les cygnes de la tamise ont dû cohabiter malgré eux avec les corbeaux noirs chers à notre Barbara à plume et la dinde conservatrice de fer. Sheffield ne fait pas exception à la règle à l'époque et former un groupe pour Stephen Fellows et sa bande reste le meilleur placebo pour espérer survivre. Avec un nom emprunté à une nouvelle de JG Ballard, Comsat Angels commence sa carrière en s’imposant d’emblée avec un single imparable «Independence day» qui fit mouiller le slip à poche de John Peel, ce dernier les conviant d’emblée à l’une de ses «Sessions» .

Au spleen pathologique et néanmoins fascinant de Ian Curtis, Fellows répond par une voix et des textes certes sombres mais qui semblent plus évoquer une petite boule d’angoisse que l’envie de fourrer un sèche cheveux sous tension dans sa baignoire (et non pas ailleurs n’est ce pas Claude?)

L’album ne tarde pas à suivre en 1980, le groupe étant signé rapidement par Polydor pour trois disques. L’angoisse cohabite avec une tension ainsi qu’une volonté de s’en sortir, en attestent des textes non dénués d’ironie. Les basses sautillent et font trembler la bouteille d’eau minérale sur l’ampli pendant que le synthé tente des approches coquines avec une guitare convulsive à la timidité idoine. Comsat Angels partage ses premières tournées avec Gang Of Four , leur utilisation martiale et politique de leurs instruments étant très similaires. Mais alors que le quatuor de Leeds confirmera qu’il vaut mieux remuer son bassin que ses méninges, Comsat Angels glissera avec ses deux albums suivants, «Sleep No More» (1981) et «Fiction» (1982) dans des ambiances bien plus macabres et marécageuses. Certes non dénués d’intérêts, ces deux disques demeurent beaucoup moins accessibles contrairement à la concurrence qui commence à faire rage sur les terres du Royaume Uni, notamment le berger Ian Mcculloch et ses Bunnymen.

En plein boom 80’s et pour survivre, le cocon nébuleux donnera naissance aux C.S. Angels, gâchant ainsi le curriculum vitae d’un groupe qui aurait pû voler parmi les plus grands sans ses rêves de supermarché. L’ambition commerciale du groupe flirtera lamentablement avec des tacherons tels que Spandau Ballet et les garçons coiffeurs de l’époque, armés d’un synthé en bandoulière et comme unique talent un brushing impeccable. Et si la décoloration ne tuait pas que le cheveu? Et si finalement on ne pouvait pas faire ce que l’on veut avec ses cheveux ? Mr Lydon semble d’accord…
Franck aka Trashyshooper




Paru en 1980
(Polydor)

Un morceau en écoute dans le lecteur
L'heure est venue d'inaugurer une nouvelle rubrique, proposée par une autre plume, consacrée au grands classiques oubliés et autres trésors cachés de l'histoire du rock.
Une première chronique qui vient rebondir sur les influences cold-wave de LoneLady,
bienvenue à Franck aka Trashyshooper.

dimanche 21 février 2010

LONELADY Nerve Up


Cette jeune femme n'est pas aussi seule que son pseudo pourrait le laisser croire. Originaire de Manchester et signée sur Warp, Julie Campbell (de son vrai nom) trimballe sur ses frêles épaules pourtant solides un lourd bagage : une part de l'héritage post-punk.

Après plusieurs singles, elle sort son premier album, qui empreinte d'ailleurs son nom à l'ultra efficace et sensuel «Nerve Up». Enfanté sur les cendres de la new-wave et du funk blanc, sous le regard bienveillant du fantôme de Tony Wilson, ce disque rend dans sa modernité hommage à l'esprit du label Factory. On retrouve ici ces rythmiques post-punk taillées dans l'os, boites à rythmes martiales et autres riffs de guitares ténus, des sonorités fidèles à l'esprit de Joy Division, Gang Of Four ou A Certain RatioIntuition» ou «Early The Haste»).
On y croise également ce minimalisme très «Do It Yourself» rencontré il y a peu chez les cousins londoniens de The XX. Mais ce qui distingue la mancunienne, ce qui lui permet d'éviter de glisser dans une reproduction hagiographique du passé, c'est sa voix. Tour-à-tour douce, nerveuse, aérienne («Marble») ou fragile («Fear No More»), elle s'adapte discrètement et élégamment en fonction des morceaux.

Ambassadrice contemporaine de sa ville, à laquelle elle rend hommage avec classe et respect, on souhaite à cette LoneLady un destin d'envergure internationale, portée par un label qui, n'ayant plus rien à prouver dans le domaine des musiques éléctroniques, se diversifie avec bonheur (Grizzly Bear, au hasard) depuis un certain temps.
Cédric B

6,5/10



Sortie prévue le 22/02/10
(Warp/Discograph)

http://www.myspace.com/hiholonelady

jeudi 18 février 2010

TWO DOOR CINEMA CLUB Tourist History


Précédés d'une réputation grandissante, ces trois jeunes irlandais bondissants (Two Door Cinema Club ne s'est formé qu'en 2007) débarquent à toute allure ces jours-ci avec leur premier album, «Tourist History». Déjà repérés sur les compilations Kitsuné, ils constituent la nouvelle sensation et surtout la valeur montante du label franco-japonais (auteur d'un fabuleux travail de repérage et de découverte ces dernières années) qui compte bien ici tirer les leçons du semi-échec du long format de Cazals.

Rapidemment comparés à Bloc Party ou à Franz Ferdinand, ils ne possèdent cependant pas la dimension solennelle des premiers, ni celle arty des seconds. Par contre, leur grande force provient sans aucun doute de cette propension à expédier des pop-songs imparables et à envoyer des refrains ultra accrocheurs, à l'évidence immédiate. Ces anciens scouts possèdent également des qualités de sprinteurs, leurs morceaux n'excédant que rarement les trois minutes. «Cigarettes In The Theatre» ou «Do You Want It All» débutent chacun sur des rythmiques qui évoquent certes leurs cousins anglais emmenés par Kele Okereke, la gravité mise de côté. Car non content de l'ignorer, ils la défient tout simplement cette gravité, comme le démontre le sautillant «I Can Talk», remixé par ailleurs sur la compilation Kitsuné Maison volume 8.
Ce disque est une véritable usine à tubes dont la pièce maitresse pourrait être, à mon sens, le mélancolique et addictif «What You Know». Mais le très phoenixien «Something Good Can Work» (déjà découvert sur la Kitsuné Maison volume 7) retient également l'attention, et il nous tarde d'ailleurs de les suivre en première partie de Phoenix sur les nouvelles dates françaises de leurs ainés frenchy fraichement awardisés. Cette étrange ressemblance, illustrée essentiellement par les couplets du morceau, peut trouver un début d'explication dans le fait que le français Philippe Zdar a, comme pour les versaillais, participé à la production et au mixage de l'album.

Alors bien sûr, ces jeunes zébulons ne révolutionnent pas la pop, d'ailleurs ils n'en ont jamais eu la prétention, mais quoiqu'il en soit ils l'honorent largement. Ce «Tourist History» est frais et pétillant, éphemère et jouissif, et les hymnes romantiques et post-adolescents qui le composent sont autant de bombinettes de destruction massive de dancefloors.
Cédric B



7/10

Sortie prévue le 01/03/10
(Kitsuné/Coop/PIAS)

http://www.myspace.com/twodoorcinemaclub

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dimanche 14 février 2010

PANTHA DU PRINCE Black Noise / This Bliss


Actif depuis 2002 sous le royal pseudonyme de Pantha du Prince, l'allemand Hendrick Weber (également connu sous ceux de Panthel ou Glühen 4) a sorti cette semaine son troisième album, «Black Noise».

Découvert tardivement pour ma part, le choc inhérent à l'écoute devenue rapidemment obsessionnelle de « The Bliss » (son second opus datant déjà de 2007), encore tout frais au sein de mon système sensoriel, est encore bien loin d'être digéré. Après une relative prise de distance vis-à-vis de l'électronique minimale en général, devenue peut-être trop austère si ce n'est ennuyeuse, ce disque fut celui de la réconciliation voire de la révélation.

Car l'artiste de Hambourg transcende littéralement le genre, il est sans aucun doute celui qui le porte le plus haut depuis le danois Trentemøller. Chacune des longues plages délivrées sont autant d'histoires dont on ne serait jamais sûr, pour notre plus grand bonheur, de connaître la chute, ni même de réussir à se familiariser entièrement avec les protagonistes, tant ceux-ci évolueraient au fil du temps. «Saturn Strobe» et ses cordes majestueuses illustre à merveille ce propos, tandis que le puissant et titanesque «Moonstruck» dévaste tout sur son passage, avec son gimmick obsédant.
Dans une veine minimale plus classique mais néanmoins précieuse, «Urlichten» ou «Steiner Im Flug» tirent leur épingle du jeu, alors qu'«Eisbacken» et son canevas de bleep en tous genres possède d'une certaine manière des vertus thérapeutiques.


Signé depuis peu sur Rough Trade Records, pas forcément connu comme une terre d'asile pour les artistes issus de la sphère électronique, Pantha du Prince n'a donc pas choisit la facilité en évoluant loin de ses terres. Mais ce «Black Noise» se montre à nouveau à la hauteur de ses ambitions, et l'audience du prodige mériterait à s'en trouver élargie. Tout commence ici par deux passionantes symphonies à base de carillons, xylophones et autres percussions squelettiques («Lay In A Shimmer» et «Abglanz»). «The Splendour», premier extrait de l'album (qui voit la participation de Tyler Pope, bassiste de LCD Soundsystem), tout en élégance et en retenue, poursuit dans cette voie avec grâce. On atteint ensuite des sommets sur «Stick To My Side», la voix de Noah Lennox sublimant les textures sibyllines de l'allemand, avec cette mélodie faussement innocente et véritablement ensorcelée dont le chanteur d'Animal Collective a le secret. «Bohemian Forest» domine une seconde partie d'album peut-être un chouillat moins inspirée, bien que joliment ponctuée par deux morceaux très aériens («Im Bann» et «Es Schneit»).

Au final, une double chronique pour évoquer deux disques majeurs, dont la pureté des sonorités cristallines ne s'apprécie par ailleurs que d'avantage au casque et dont le premier (« The bliss ») peut être qualifié tout simplement de chef-d'oeuvre. La résultante du travail d'un orfèvre qui, aux côtés notamment de Trentemøller ou Four Tet, offre aujourd'hui à la musique électronique en général et à la techno minimale en particulier ses plus belles pièces.
Cédric B




This Bliss : 8,5/10 (paru le 05/03/07 sur Dial Records/La Baleine)

Black Noise
: 7,5/10 (paru le 09/02/10 sur Rough Trade Records/Naïve)

http://www.panthaduprince.com/
http://www.myspace.com/panthaduprince

Pantha du prince (feat Panda Bear) - Stick to my side (Official video) from Amaury Riega on Vimeo.



Pantha Du Prince - Black Noise album trailer from Rough Trade Records on Vimeo.

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vendredi 12 février 2010

GIL SCOTT-HERON I'm New Here


Les diamants sont éternels. Difficile d'en apercevoir l'éclat avec ce "'I'm New here" dans le torrent de noirceur qui le constitue, premier brulot balancé depuis quinze ans par le Unsung Hero, Gil Scott-Heron. S'il fallait définir l'artiste en un mot, "force" aurait été celui qui lui siérait le mieux. S'il fallait définir l'homme, force est de constater (sans jeu de mots) qu'il s'agit de "vulnérabilité" aujourd'hui. Et c'est bien à un album de "l'homme" Heron que nous avons à faire aujourd'hui.

C'est au cours de ces seules vingt-huit minutes que, pour la première fois de sa carrière, l'artiste de Chicago nous aura finalement dévoilé une façade qu'on ne lui connaissait peu ou prou. Black Panther dans l'âme, activiste dans l'acte, il aura construit sa vie autour de valeurs promptes à valoriser sa condition d'afro-américain face à une société castratrice, par définition. "Pieces of a man" ou "The Revolution Will Not Be Televised" faisaient alors montre d'une puissance sonique et lyrique affolante de par leur capacité à entrevoir les épaules solides que pouvait constituer un artiste black aux États-unis qui ne laissait alors pas la violence submerger son propos. Oui, sa force pouvait tenir dans la puissance d'un seul mot scandé. Unilatéral et implacable. Et avec lui de construire les ébauches de la musique "écrite" US telle que nous la connaissons. De Common à TV On The Radio, tous lui doivent cette impartialité du mot face au son. Avec ce nouvel opus, enfanté dans la douleur (Heron refusant pendant de nombreuses années de retourner en studio car pensant n'avoir plus grand chose à dire, associé au fait que sa voix sublime l'ait quitté et aux rudes années d'incarcération qui précédèrent les demandes répétées de Richard Russel...), le poète se met en danger et se livre. Comme pour mieux recommencer, comme pour mieux naitre, en écho aux morceaux d'intro/outro intitulés "On Coming From A Broken Home (Part 1&2)", déchirants de sincérité brute de décoffrage.

Le fait alors de le voir réapparaitre aujourd'hui sur un label comme XL tend à prouver les failles que veut bien laisser transparaitre Gil Scott-Heron. L'influence de Russel à la production est flagrante. Presque entêtée, dans sa façon de vouloir imposer, un morceau sur deux, de l'électronique quand, par nature, Scott aurait laissé couler sa voix sur un simple tam-tam. Tenter la prise de risque, tenter d'aborder des sentiers musicaux inédits. Quitte à perdre la face, quitte à se fourvoyer. Car le fan de base du bonhomme risque fort d'être interloqué par la production de l'ensemble. Grand mal lui en fasse. Nous sommes loin de la soul 70's et ses productions jazzy. Et la sauce prend comme rarement. Ainsi, un titre comme "Me and The Devil" de s'imposer comme l'une des chansons les plus fortes sensitivement de ces dernières années. Le beat est gras, chargé en puissance mais épuré, pour mieux laisser exploser ce timbre ravageur qu'est devenue la voix de Gil Scott-Heron. Les envolées lyriques elles aussi sont ténues, laissant la place à ces fameux Spoken Word maintenant rauques (le darkissime «The Crutch»), aux intonations rudes comme des coups de marteau. L'enrobage se veut âpre. Au diapason du verbe. C'est là toute la grande réussite de ce disque que de faire valdinguer les sens de l'auditeur. Tantôt moderne et métallique. Tantôt vide et obsédant, un simple handclap comme métronome. Le fond, lui, reste noir comme les ténèbres.

Ce retour en grâce ne cherche pas à faufiler une émotion artificielle dans nos esgourdes. Ce disque ne fait que conter, au gré des rimes et du tempo, l'âme d'un artiste qui ne fait que se dévoiler, enfin. Un soixantenaire du mot juste et de l'épure qui ne sait se défaire de ses démons. Et de voir là la douce ironie que le premier disque majeur de cette décennie fut engendré par le chantre de la révolution seventies rend son écoute d'autant plus primordiale. A l'heure des autobiographies discographiques anté-funéraires de musiciens en manque de vécu, cet album sonne comme le début d'une nouvelle boucle, celle de la sincérité la plus sibylline et lumineuse qui soit.
Tarik




Paru le 09/02/10
(XL/Naive)

http://gilscottheron.net/

http://www.myspace.com/revolutionwillnotbetelevised

Deux morceaux en écoute dans le lecteur



Afin de couvrir au mieux un horizon musical aussi large que possible, ce blog accueillera ponctuellement (ou régulièrement) des invités, en général des amis à la plume bien affutée.
Bienvenue à Tarik, et à sa chronique consacrée au retour d'une légende...

dimanche 7 février 2010

FOOL'S GOLD S/t


On connaît déjà le coupable. La faute à un morceau, «Surprise Hotel», qui m'obsède depuis des jours, à la seconde même où j'ai entendu pour la première fois ses accords de guitares euphorisant. Au loin, le buzz gronde, et la Californie est en passe de détrôner Brooklyn sur la carte de la hype. Ce qui est certain, c'est qu'après Vampire Weekend et Local Natives, cette année sera placée sous le signe du soleil et de l'Afrique. Qui plus est avec ce premier album de Fool's Gold, plus proche des musiques du monde que de la pop.

A l'origine le fruit de la collaboration entre deux californiens, Luke Top (chant et basse) et Lewis Pesacov (guitare), auxquels se joignent par la suite le guitariste de Foreign Born, un batteur occasionnel pour The Fall, l'ex-batteur des We Are Scientists, ainsi que des musiciens venus du Mexique, d'Argentine, du Brésil et d'Israël, la troupe se transforme rapidemment en fanfare. Dans sa démarche, le groupe abat toutes les frontières, ne se limitant pas à dérouler une afro-pop pourtant très tendance actuellement. L'addictif et indispensable «Surprise Hotel» s'inspire largement du soukous congo-zaïrois, tandis que «Nadine» évoque pour sa part l'héritage éthio-jazz, sous le parrainage de Mulatu Astatke ou d'Esther Aweke. Même les structures pop plus classiques y sont au service des multiples et riches sonorités qui foisonnent, à base de claviers, percussions, cuivres et autres instruments insolites exotiques. Mais l'originalité du projet provient principalement du chant en hébreu, virevoltant entre des mélodies élaborées et des choeurs orientaux, se mariant merveilleusement à l'ensemble.

Ces dernières années, de Damon Albarn à Fool's Gold, la pop occidentale s'abreuve régulièrement à la source des musiques africaines, pour ici transformer avec bonheur Los Angeles en capitale du Mali et délocaliser Bamako en Californie.
Cédric B



7,5/10


Sortie prévue le 08/03/10
(Wagram)

http://www.myspace.com/foolsgold

Fool's Gold - "Surprise Hotel" from Paul Tao on Vimeo.

jeudi 4 février 2010

FOUR TET There Is Love In You


Voici certainement un des grands disques de musique électronique de cette année.
Sorti fin janvier, je confesse m'en vouloir de ne pas l'avoir chroniqué un peu plus tôt, mais le choix des articles, est bien entendu une question de priorités et surtout de temps.

A même pas trente ans, Kieran Hebden a pour sa part un CV déjà bien rempli, qui ne tiendrait pas sur une seule page, car le prodige est prolixe.
Cinquième opus sous le pseudo de Four Tet (plus quatre sous son nom et cinq sous celui de Fridge, son projet plus orienté post-rock, sans compter les remixes), «There Is Love In You» est principalement constitué de longues plages, minimales et groovy, souvent accompagnées de guitares raffinées.

«Angel Echoes» dessine en ouverture en quelque sorte l'atmosphère de l'album, à l'aide de subtils samples de voix féminines. Lui succède «Love Cry», moins long qu'évolutif, représentant peut-être ce que l'on a entendu de plus hypnotique et obsédant depuis le «Surf Solar» de Fuck Buttons, bien que très différent dans l'approche et l'esprit. Autre temps fort, «Sing» symbolise le virage house prit ici par l'anglais.

Kieran Hebden, dont on qualifie parfois la musique de «folktronica», synthétise sur ce disque ses nombreuses influences, dont le jazz (voir le projet «NYC» avec Steve Reid ») a toujours fait partie intégrante, pour délivrer des compositions épurées mais organiques, toujours passionnantes et vivantes.
Cédric B



7,5/10

Paru le 25/01/10
(Domino Records/PIAS)

http://www.fourtet.net/

http://www.myspace.com/fourtetkieranhebden

Four Tet - Love Cry (Joy Orbison remix) - VJ MIX from Heartbeat on Vimeo.


Deux morceaux en écoute dans le lecteur

mardi 2 février 2010

HOT CHIP One Life Stand


De plus en plus attendu à chaque nouvelle sortie, Hot Chip sort cette semaine son quatrième album. Le collectif de nerds londonien, au no-look savamment étudié dès leurs débuts, contribuant par la suite à l'avènement du fluo (vestes improbables et lunettes multicolores) a beaucoup fait parler de lui, malgré une certaine discretion. Leur electro-pop rétro-futuriste, bancale mais sincère, parfois borderline mais souvent touchante est devenu une véritable marque de fabrique. Son avènement peut se situer à l'époque de « The Warning » (avec un morceau sublime comme « And I Was A Boy From School »). « Made In The Dark », bien que d'un bon niveau, révélait pourtant déjà quelques signes d'essoufflement.

Malgré un départ correct (« Thieves In The Night »), et des promesses avortées (« Hand me Down Your Love »), le disque ne décolle réellement qu'à partir du quatrième titre (« One Life Stand » meilleur morceau de l'album), pour mieux ensuite exploser en plein vol. Les analyses des boîtes noires de l'appareil devraient très certainement révéler un problème de carburant. Car ce « One Life Stand » vient malheureusement le confirmer : la compagnie Hot Chip ne parvient plus à se renouveler.
Pire encore, ils enfoncent paradoxalement le clou là où le bât blesse : les ballades insignifiantes (« Slush »). Alexis Taylor s'applique vraiment trop à chanter, ce qui ne le lui réussit pas spécialement, puisque c'était justement l'aspect bricolée de leur electro-pop qui faisait mouche. De plus, les clins d'oeil 80's ne fonctionnent plus autant, devenus trop ostentatoires (« Brothers »). La palme de l'objet le plus improbable (mais pas forcément du plus détestable) revenant à « I Feel better » , légèrement vulgaire mais accrocheuse, et ses synthés putassiers euro-dance 90's, le tout à la sauce auto-tune.

Le sentiment qui prédomine au final est la sensation d'un beau gâchis. On sait ce dont ce groupe est capable, il a prouvé par le passé sa perspicacité mélodique, qui fait trop souvent défaut ici. Les productions ne sont pas non plus toujours à la hauteur des trouvailles des deux précédentes livraisons, bien que l'ensemble ne soit pas dépourvu d'intérêt. Plutôt comme si, emporté par les courants de la hype, Hot Chip ne savait plus sur quelle plage débarquer (ou échouer).
Cédric B

5,5/10



Paru le 01/02/10
(EMI)

http://www.hotchip.co.uk/

http://www.myspace.com/hotchip

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