samedi 17 juillet 2010

M.I.A. /\/\ /\ Y /\

La première irruption de la tornade tamoule remonte à 2005, avec Arular (du prénom de son père) qui contenait alors des bombes comme Galang, Sunshowers ou Bucky Done Gun. Son style, mélange frais et explosif d'electro, de grime, de baile-funk et de samples de musiques indiennes ou sri-lankaises. M.I.A se distingue également par un univers visuel cheap et bariolé (elle a fait les beaux-arts à Londres) et des thèmes militants et engagés (l'héritage d'un père révolutionnaire).

En 2007, Kala (du prénom de sa mère) succède au premier opus, avec des singles toujours aussi impressionnant (Boyz, Jimmy ou Paper Planes). Ce dernier titre figure sur la bande originale du multi-oscarisé Slumdog millionnaire, conférant dès lors à la londonienne un nouveau statut, et de nombreuses sollicitations de la part de rappeurs américains (Kanye West, T.I.). Alors que ces derniers temps, les polémiques ont pris le dessus sur la musique, son troisième album (qui porte son nom, Maya) vient tout juste de sortir.

L'affaire ne débute plutôt pas mal, avec un Steppin Up guerrier et bruitiste, sur lequel vient se greffer claps et guitares, auquel succède un premier single en forme de sucrerie sonore, résolument plus pop qu'à l'accoutumée (XXXO). Mais les choses se gâtent rapidemment, et l'on va à partir de là naviguer entre médiocrité et ratage avéré. Plusieurs morceaux ressemblent à des faces B, pas entièrement ratés mais manquant cruellement de saveurs, ces épices auxquels elle nous avait habitué. C'est le cas de Lovalot, sur lequel elle semble vouloir régler des comptes («I really love a lot, but I fight the one that fight me»), du molasson Story To Be Told ou de It Takes A Muscle (reggae sous auto-tune chargé à l'hélium). On ne sait quoi penser de Born Free, premier extrait qui avait fait monter le buzz il y a trois mois avec un clip ultra violent (les grosses ficelles de Romain Gavras), et qui ne serait pas grand chose sans son sample du Ghost Rider de Suicide. Ni de Meds And Feds, toutes guitares dehors et gros beat hardcore qui tâche. M.I.A. convoque ici une énergie primaire qui s'avère souvent vaine. Et tandis que l'on flirte avec une douce médiocrité sur Tell Me Why ou Space, on atteint carrément le grand n'importe quoi sur Teqkilla, avec ses insupportables sirènes.

Aux manettes de ce troisième album, on retrouve la même équipe de producteurs que précédemment (M.I.A. aidée de Rusko, Switch, Blaqstarr et Diplo). Mais cette fois, la sauce ne prend quasiment jamais, et ce /\/\ /\ Y /\ s'avère plus que décevant. A croire que la tigresse tamoule s'est récemment davantage préoccupé de répondre aux attaques via Twitter (une journaliste du New York Times ayant mis en avant dans son article un éventuel décalage entre les propos engagés de l'artiste et son mode de vie désormais luxueux), en oubliant malheureusement de le faire par l'intermédiaire de son talent et sa musique.
Cédric B
4,5/10




Sortie le 13/07/10
(XL Recordings/Naive)

http://www.miauk.com/mayaaspect/
http://www.myspace.com/mia

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M.I.A, Born Free from ROMAIN-GAVRAS on Vimeo.

Deux morceaux de /\/\ /\ Y /\ en écoute dans le lecteur (en bas de la liste)

mardi 13 juillet 2010

THE DIVINE COMEDY Bang Goes The Knighthood

Quelle que soit la saison ou l'humeur du moment, on retrouve souvent avec ravissement une nouvelle aventure de The Divine Comedy, sans forcément s'y précipiter mais en succombant généralement à la grâce ambiante. Neil Hannon, tête pensante (mais également auteur-compositeur et interprète) de ce monument de pop élégante et orchestrée, a sorti fin mai son dixième album, un an après celui du projet parallèle The Duckworth Lewis Method (un curieux concept-album consacré au cricket).

En toute franchise, j'ai n'ai pour ma part pris le train en marche qu'assez tardivement, à partir de 2004 et Absent Friends. La pop de l'irlandais était certainement trop classieuse et délicate au milieu des années 90 pour des oreilles qui préféraient alors les expérimentations des savants fous de Bristol ou ceux d'une bande de ninjas armés de shuriken vocaux en provenance de Staten Island.

Down in the Street Below figure une parfaite entrée en matière, nous ouvrant les portes de la demeure de Lord Hannon, avant qu'un vent de cordes ne s'engouffre par une fenêtre entr'ouverte. The Complete Banker, dont le refrain se décline sur une note enjouée, brosse ensuite un portrait au vitriol d'un trader britannique, et, à travers lui, se paie l'ultra-libéralisme anglais au passage. Des morceaux comme l'estival Neapolitan Girl ou l'insouciant At The Indie Disco peuvent être rangés de même dans cette catégorie, alors que c'est sur Broadway qu'il nous invite sur Can You Stand Upon One Leg. Mais c'est dès lors qu'il investit la gravité que notre crooner brille davantage. Le titre éponyme de l'abum diffuse ainsi une somptueuse mélancolie, tout comme le poignant When A Man Cries arracherait quelques larmes au plus coriace des hooligans. Au coeur du disque, les sixties sont convoquées sur le beau Have You Ever Been In Love ?, une chanson que n'aurait sûrement pas reniée Frank Sinatra.

Neil Hannon a bâti au fil des années un univers aussi personnel qu'universel, qu'il a patiemment su consolider et renouveler. Ce Bang Goes The Knighthood fait la part belle, plus qu'à l'accoutumée, à une certaine forme de légèreté, matinée d'un sens accru de la dérision, à l'image de sa pochette. Il est ce chroniqueur urbain, conteur moderne affuté, ce dandy gardien de valeurs qui se meurent (The Lost Art Of Conversation), dans la lignée du grand Scott Walker dont il est le digne héritier. L'irlandais, très attaché à la France qui d'ailleurs le lui rend bien, propose par ailleurs en bonus un disque de reprises de chansons françaises enregistrées en 2008 lors d'un concert à la Cité de la Musique.
Cédric B
7,5/10




Paru le 31/05/10
(Divine Comedy Records/PIAS)

http://www.thedivinecomedy.com
http://www.myspace.com/thedivinecomedy

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Esprits Critiques

Deux morceaux de Bang Goes The Knighthood en écoute dans le lecteur

vendredi 9 juillet 2010

EUROCKEENNES DAY 3 (dimanche 4 juillet 2010)

Textes : Cédric Botzung / Photos : Seb Grisey

Troisième et dernière journée du festival. Les new-yorkais d'adoption de The Drums tirent leur épingle du jeu malgré la difficulté d'être programmés en fin d'après-midi sur la Grande Scène, en plein cagnard. Le jeu de scène et la gestuelle travaillée (entre robot et pantin désarticulé) de Jonathan Pierce, qu'on avait déjà pu apprécier dans leurs clips, n'y sont pas pour rien.



Bien que jet-lagué et à prioris un peu malade, Le francophile et néo-californien chanteur des Strokes semble totalement à l'aise sans ses collègues, aidé il faut l'admettre par des musiciens puissants et pour le moins expérimentés. Le défi inhérent à cette configuration sera justement de se montrer à la hauteur, chose pas forcément évidente. Mais la coolitude de Julian Casablancas lui permet la plupart du temps de s'en tirer, que ce soit quand il évoque la fête nationale américaine ou lorsqu'il s'approprie un classique des Strokes.



James Murphy et sa clique déroulent leur electro-disco-punk toujours aussi fédératrice que dévastatrice sur scène, enflammant au fil d'un set incendiaire le public du Chapiteau à la base déjà totalement acquis à la cause de LCD Soundsystem.



Triomphe du trio normand sur la plus petite scène du festival devant un public qui dans son écrasante majorité découvre ce soir-là le groupe et son univers scénique et théatral combinant folk enfantin et sincère, hip-hop décalé et electro loufoque et punk. A tel point que Gablé revient sur scène pour un rappel, chose qui n'arrive pour ainsi dire jamais dans le cadre d'une programmation millimetrée de festival, acclamé alors par un public de plus en plus nombreux au fil du show.



Sur la scène de la Loggia, décoiffée de son chapiteau depuis l'année dernière, les californiens de Health balancent leur noise-electro...



... avant que Action Beat, puis les anglais de Fuckbuttons rivalisent de bruit dans la nuit belfortine. Le rouleau compresseur du duo britannique et son mur du son noise-techno ravage d'ailleurs tout sur son passage, pour notre plus grand bonheur mais un peu moins celui de nos tympans...



Les vétérans de Bristol sont les têtes d'affiche de cette dernière soirée. La dream-team est réunie, avec un 3D en véritable petit chef d'orchestre, Daddy G, Horace Andy le fidèle rasta, plus Martina Topley-Bird déjà à l'affiche en solo l'après-midi. Massive Attack envoi un son assez énorme, soutenu par un light-show au point, le concert idéal pour clore sereinement ces trois journées bien remplies.
A l'année prochaine...



(Merci aux Eurockéennes)

mercredi 7 juillet 2010

EUROCKEENNES DAY 2 (samedi 3 juillet 2010)

Textes : Cédric Botzung / Photos : Seb Grisey

Nous débutons une deuxième journée à la programmation légèrement moins attractive (en tout cas sur le papier) à nouveau un peu tard, ce qui nous fait rater le fantasque Omar Souleymane et son improbable et irrésistible electro orientale. Alors qu'au loin nous devinons Broken Social Scene puis Airbourne sur la Grande Scène, le premier concert sera celui des norvégiens de Serena Maneesh (et leur bassiste rappelant étrangement Kim Gordon) qui gagnerait à se calmer un peu sur les drogues.



L'electro-pop délicate de Memory Tapes, qui se produit en duo accompagné d'un batteur, éprouve quelques difficultés à restituer la magie opérant sur disque. Dayve Hawk manque en effet un peu de charisme et d'assurance, on l'imagine plus à l'aise chez lui à triturer ses machines.



Une des affiches les plus attendues du festival accouche d'une déception somme toute prévisible, la pop minimale et éthérée des anglais de The XX se prêtant plus à l'atmosphère d'une salle ou d'un club qu'à une grande scène. Malgré un public au départ mobilisé et acquis à leur cause, le Chapiteau se vide peu à peu.



Enfin, et alors qu'un mini-déluge s'abat sur Belfort, une artiste parvient à elle seule à chasser les nuages, pour ce qui s'avèrera certainement être le meilleur concert du festival. Janelle Monae, explosive, transcende sur scène l'enthousiasme et le talent déjà démontrés sur disque. La nouvelle diva de la soul est autant à l'aise dans chaque univers qu'elle investit, soutenue par des musiciens de haut vol et par un spectacle visuel de qualité. On ressort de cette prestation à la fois lessivés et subjugués.

Photos Seb Grisey (...qui abattu par une crève d'enfer regrette de ne pas avoir eu le courage de ressortir son appareil photo après le déluge pour Janelle Monae...)

(Merci aux Eurockéennes de Belfort)