Voici typiquement le genre de disque, surgit quasiment de nulle part, qui vient bousculer nos plannings de sorties. Irruption soudaine, régénérante et salvatrice. Au sujet de cette artiste américaine, on a peu d'informations.
Janelle Monáe (Robinson de son vari nom) avait déjà sorti un premier album autoproduit (
Metropolis, non-distribué) puis un EP (
The Chase Suit). Lorsque débarque ce disque à la pochette tout droit sorti d'une bande-dessinée de SF, il devient crucial de s'y pencher de près.
De
The ArchAndroid se dégage une ambition évidente, le disque s'inscrivant dans la lignée des
concept-album, nombreux dans l'histoire de la musique noire-américaine (de
Herbie Hancock à
Outkast). Parrainée d'ailleurs par ces derniers (elle participe à la bande originale du film
Idlewild, composée par
Big Boi et
André 3000) et signée par
P. Diddy, la jeune américaine nous propose un opera-soul afro-futuriste narrant les aventures de son clone bionique qui a pour humble mission le sauvetage de l'humanité.
Entrecoupé d'interludes cinématographiques, le disque est d'un bout à l'autre truffé d'instrumentations riches et d'une diversité ahurissante. Gorgé de soul, de jazz, de folk, de rock et d'electro, la richesse des compositions se met de plus toujours au service de la voix de la diva. Celle-ci, insolente d'élasticité, parvient à briller dans chaque gamme investie sans jamais se perdre dans des vocalises superflues propres à nombre de ses consoeurs. Reine soul sur
Locked Inside ou
Oh, Maker (construit sur une base folk) et sur
Neon Valley Street (qu'elle illumine littéralement),
Janelle Monáe prend les rênes d'une magnifique ballade entre rêve en apesanteur et douceur sixties (
Sir Greendown). Elle redouble également d'efficacité sur les morceaux plus énergiques, comme sur
Cold War (tuerie uptempo entre
Outkast et
Gnarls Barkley) ou sur la pépite du disque, l'hymne doo-wop
Faster, où elle se permet le luxe de ressusciter le défunt leader des
Jackson's le temps d'un couplet inattendu. Une sélection qualitative d'invités vient enfin compléter l'oeuvre. Ainsi, le prince du spoken-word
Saul Williams donne le change sur le taquin et enlevé Dance Or Die, Big Boi sur le très
James Brown Tightrop et
Kevin Barnes (
Of Montreal) sur l'étrange mais original
Make The Bus.
S'émancipant immédiatement d'une nu-soul stagnante,
Janelle Monáe dessine ici au présent le futur de la soul et du r'n'b, en rendant également hommage à tout un pan de la musique noire-américaine. Sorti il y a un mois en France dans une discrétion incompréhensible, on souhaite à ce disque immense, sur lequel tous les morceaux s'enchainent avec une fluidité et une élégance rare, la reconnaissance qu'il mérite.
Cédric B
8/10Paru le 17/05/10
(Bad Boy Records/Atlantic Records/WEA)
http://www.jmonae.com/http://www.myspace.com/janellemonaeChroniques à lire sur:
Esprits Critiques