mardi 10 août 2010

ARCADE FIRE The Suburbs

Entre Arcade Fire et moi, c'est une histoire de passion, comme pour beaucoup de gens, mais également de voyages. La musique des canadiens est à ce point chargée d'émotions qu'elle vient souvent illustrer des instantanés de nos vies, nous renvoyant à nos souvenirs. La maturation de leurs albums s'effectue cependant au gré des écoutes, et il s'avère délicat de s'en forger une opinion hâtive. Je me rappelle avoir acquis Neon Bible dans un shop d'un aéroport londonien en revenant de New York. Cette fois, je le découvre sur un bateau, et leur nouvel opus sort au coeur de l'été (et de mes vacances estivales), pas forcément la saison idéale pour apprécier au mieux un nouveau disque du groupe, qui plus est lorsque The Suburbs s'annonce assez différent des précédents.

Funeral puis Neon Bible furent en effet, chacun à leur manière, des disques immenses, façonnés par le deuil et hantés par les fantômes. Il semblerait désormais que la troupe emmenée par Win Butler et Régine Chassagne ait trouvé une certaine forme de sérenité, à l'image du morceau éponyme inaugural. The Suburbs, délaissant les rivages d'une abstraction qui les caractérisait, se concentre ici sur un thème des plus concrets, celui des banlieues américaines (et canadiennes), ces cités-dortoirs pour classe moyennes aisées, symboles de l'American way of life, assez identiques dans leur esprit et souvent gangrenées par l'ennui.

Ready To Start lance la machine canadienne, nous sommes en terrain familier, et l'on frissonne en retrouvant cette touche si particulière, cette façon quasi-unique de jouer sur le fil, tout au bord du précipice. Mais cette fois, les montréalais avancent fiers, la tête haute, sûr de leurs forces, tel des funambules chevronnés, et l'on sent alors que la peur et les ténèbres sont peut-être derrières eux. Modern Man illustre, à l'instar de Deep Blue ou We Used To Wait, cette légèreté inédite, malgré un envol quelque peu avorté sur la fin. Les membres du groupe ont poussé les lourds volets du manoir pour en ouvrir presque toutes les fenêtres, l'oxygène commence à circuler et quelques timides rayons de soleil font leur apparition.

Après un Rococo lancinant mais plaisant, Régine Chassagne prend les rênes du magnifique (et trop court) Empty Room, sur lequel elle croise le fer avec son compagnon, en apesanteur sur un nuage de cordes, le tout orchestré par le brillant Owen Pallett. Ce morceau constitue un des sommets de l'album, au même titre que Half Light I, superbe ballade transcendée elle aussi par un déluge de cordes. La seconde partie du morceau (le groupe affectionne les chansons en deux parties), qui puise dans une electro 80's, ne le complète d'ailleurs pas de manière évidente. Après s'être aventuré sur des terres stoner (Month Of May, dévoilé peu de temps avant la sortie du disque), ils nous gratifient d'un dernier titre en deux temps. Sprawl I & II nous dévoile ainsi un Win Butler dont la voix se fait plus claire, douce et aérienne, tandis que sa dulcinée convoque par la suite contre toute attente Blondie période Heart Of Glass.

Sortant régulièrement avec The Suburbs des sillons qu'elle avait profondément traçé, la fanfare céleste de Montreal trouve ici un souffle nouveau, un apaisement salvateur. Certains leur reprocheront sûrement ce choix, mais Arcade Fire ne risque pas d'abandonner son trône de sitôt, demeurant indéniablement au-dessus de la mêlée. Ce disque nous accompagnera assurément jusqu'à la fin de l'été, et à coup sûr bien plus longtemps encore.
Cédric B
8,5/10



http://www.arcadefire.com/
http://www.myspace.com/arcadefireofficial

A lire également la chronique-nouvelle de Benjamin sur Playlist Society, ainsi que celles sur Esprits Critiques et sur La musique à papa

Deux morceaux de The Suburbs en écoute dans le lecteur




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