lundi 3 mai 2010

COCOROSIE Grey Oceans


Le même dilemme peut se poser avec CocoRosie qu'avec Björk. A savoir une originalité conséquente, parfois poussée à l'extrême, fruit d'une personnalité artistique forte et débordante. Au sujet de l'islandaise, ceci a entrainé pour ma part une certaine lassitude et une prise de distances à partir de ses travaux post-Homogenic. A l'heure de leur quatrième album, au visuel plus que discutable (même laid, disons-le), ce phénomène peut-il guetter les soeurs Casady?


Sur le précédent The Adventures of Ghosthorne & Stillborne, un virage légèrement plus rythmique avait été opéré avec réussite, avec des morceaux davantage tournés vers le hip-hop et des structures faites de boites à rythmes émaciées ou de beatbox minimales mais intenses (grâce à la contribution de l'incroyable Tez), pour un résultat plus proche de leurs fabuleuses prestations scéniques. Ceci complétant un univers déjà riche voyant cohabiter naturellement freak-folk, musiques électroniques, chant lyrique (Sierra) ou scandé (Bianca) et bruits de jouets ou d'oiseaux. Onirique et des plus personnels, cet univers-là transpire la sincérité et ne cesse de jeter des clins d'oeils complices vers l'enfance.

Force est de reconnaître, à l'écoute de ce nouvel opus, que l'usure est loin d'être à l'ordre du jour. La machine à idée fonctionne toujours à plein régime, les soeurs ont d'ailleurs composé pas loin d'une quarantaine de morceaux pour au final en retenir onze. Ce Grey Oceans est cependant plus épuré, tout en retenue et faisant surtout la part belle au piano. Le responsable de cet innovation majeure, qui contribue largement à ce changement, est le pianiste français d'origine réunionnaise Gaël Rakotondrabe. Proclamé instrument roi, son piano devient ici le compagnon idéal accompagnant leurs voix. A l'image de Trinity's Crying en préambule, de Grey Oceans et surtout du sublime Undertaker, sommet du disque sur lequel la voix de Bianca nous achève tout en douceur. Mais il sait se faire plus léger (The Moon Asked the Crow), opter pour des ambiances de saloon (Hopscotch qui se poursuit sur une rythmique à la Mark Bell) ou de cabaret jazz baroque (Here I'm Come). Autre temps fort, le single Lemonade navigue entre mélancolie et refrain enjoué, alors que la voix de Bianca glisse sur les percussions anémiques pour se faufiler entre les sonorités orientales de Smokey Taboo. Plus loin, Gallows renoue avec des couleurs et codes familiers (à base de guitare sèche et de chants d'oiseaux) alors que l'atypique Faily Paradise débute sur une boite à musique pour se faire engrainer par un beat digne d'une Ellen Allien période début de règne.

Bien que cumulant les attributs et accessoires qui pourraient parfois nous pousser à les détester (look néo-hippie parfois limite comme sur la pochette du disque, codes surjoués avec cette obsession de pilosité exacerbée...), ce Grey Oceans nous fait encore aimer davantage les CocoRosie et leur monde étrange si diablement attachant, où l'on adore se réfugier. Et pour ceux qui n'auraient pas encore eu cette chance, un conseil : ne ratez les soeurs Casady sur scène sous aucun prétexte.
Cédric B
7,5/10


Sortie le 03/05/10
(Sub Pop/Pias)

http://www.cocorosieland.com/
http://www.myspace.com/cocorosie

Deux morceaux de Grey Oceans en écoute dans le lecteur

3 commentaires:

  1. On ne peut plus d'accord avec ton 1er paragraphe : avec sa trilogie 'Debut/Post/Homogenic', BJÖRK a poussé la perfection tellement loin, que malgré une qualité certaine, sa seconde trilogie 'Vespertine/Medùlla/Volta' n'est que déception à chaque nouvel opus.

    Et effectivement, je classe COCOROSIE dans la même catégorie. Elles ont placé la barre tellement haut avec 'Noah's Ark'(et leur live démentiel aux Musiques Volantes à Metz), que leurs deux autres albums m'ont laissé plus qu'insensible.

    Je m'en vais donc écouter ce 'Grey Oceans' qui fait apparemment déjà l'unanimité sur la laideur de sa pochette.

    Orelzan

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  2. Pour ma part, je ne placerais pas "Noah's Ark" au-dessus du premier ni du troisième. Bien que différent, chaque album possède de vraies richesses, et le dernier ne fait pas exception à la règle.

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  3. Je suis d'accord sur tes remarques sur le côté agaçant qu'elles peuvent avoir : excentricité trop en avant, pose et obsessions déguisement/masculinité assez puériles. Ceci dit, elles ont les défauts de leurs qualités et leur inventivité n'est jamais prise en défaut. L'omniprésence du piano (que tu as bien mis en avant) me séduit pas mal sur ce nouvel opus. Parfois l'abus de bruitages et d'effets de voix fait gadget, mais ce sont des artistes, c'est sûr. Perso, mon titre préféré c'est "Grey Oceans". Tiens, c'est le titre de l'album :-)

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